Co-fondateur de Heidi.News, média en ligne dédié à la science et à la santé, Olivier Dessibourg pense que pour tout journaliste, il est important de maîtriser « les clefs de lecture de la science », c’est-à-dire les canaux de la production du savoir, qu’il s’agisse d’observations, d’expériences, de raisonnements ou encore de calculs théoriques. Car la science, a précisé le journaliste, se construit par itération et par graduation progressive. « C’est sur des socles anciens que l’on construit les résultats du futur. »
En somme, Olivier Dessibourg, qui occupe depuis mi-mai 2020 le poste de directeur de la communication de la Geneva Science and Diplomacy Anticipator (GESDA) estime nécessaire « d’instiller la culture de la science aux journalistes ».
Au cours du webinaire organisé le jeudi 2 juillet par Kossi Balao, le directeur du Forum de Reportage sur la Crise Sanitaire Mondiale, la journaliste scientifique Magali Reinert, spécialiste de l’environnement, a fait savoir que la pandémie avait bouleversé la pratique même du journalisme du fait des centaines de fausses nouvelles ou théories qui ont circulé durant toute cette période, laissant parfois le journaliste dans l’embarras ou l’incertitude.
« On a été soumis à un flot d’informations.[…] Réfléchissons un peu à ce qu’on veut produire comme sujet », a déclaré cette enseignante à mi-temps en master de journalisme à l’Université Lyon 2.
Les journalistes scientifiques appelés dans les rédactions
Toutefois, elle souligne que cette crise est une occasion pour les journalistes scientifiques de montrer leur savoir-faire. « Dans cette crise, on a peut-être vu la plus-value des journalistes scientifiques. Certaines rédactions qui n’en avaient pas ont fait appel à eux. C’était pour ces journalistes la chance de travailler dans de grandes rédactions ».
Pour sa part, Sylvio Combey, le directeur du site d’information Africa Rendez-Vous a évoqué la difficulté liée à la connexion internet. Ce qui, selon lui, est un handicap au bon travail des journalistes en ce temps de crise. « C’est aussi assez délicat dans nos pays du Sud, surtout au Togo où le coût d’accès à internet est très cher et le taux de pénétration d’internet très faible. Et travaillant à la maison vous êtes encore appelé à un effort supplémentaire. Les conditions n’étaient pas vraiment réunies pour bien travailler », a fait savoir le journaliste, co-fondateur de TogoCheck, une plateforme spécialisée dans la traque aux infox.
Il déplore l’absence quasi-totale de spécialistes disponibles pour répondre aux questions des journalistes. « On ne s’attendait pas forcément à être touchés par cette pandémie. Conséquences, nos scientifiques, nos médecins n’avaient pas toutes les informations sur la pandémie. C’était très délicat d’avoir des informations de premier rang », a-t-il fait savoir.
La gestion de l’avalanche d’information
« C’est l’apanage de la science de se savoir, de se faire une construction progressive », rappelle Olivier Dessibourg. Car la science, précise-t-il, est faite d’incertitude. Cependant, il conseille aux journalistes de trouver des experts capables de confirmer ou d’infirmer une information, « pas des gens douteux ».
Face à l’avalanche d’information, il demande aux journalistes de remonter la source de l’information. C’est le plus gros défi. « L’une des premières recommandations pour tout journaliste scientifique, c’est de retrouver, pister et remonter à l’origine même des données, de voir d’où elles viennent. Il faut aller plonger dans les données, voire les statistiques, vérifier si les chiffres sont bons ou pas ».
Pour Olivier Dessibourg, les journalistes ne doivent pas sauter sur toutes les nouvelles informations qui tombent. Plutôt que d’aller à la va-vite, il invite les journalistes à tempérer, lister les informations des plus importantes aux moins bien pressantes pour un meilleur traitement.
Prendre le temps
« Il faut juste essayer de rester serein. Prendre le temps pour bien faire. Ce n’est pas parce qu’on arrive cinq jours plus tard qu’on a perdu quelque chose. »
Et Magali Reinert d’ajouter que les journalistes scientifiques ont pour dessein, selon elles, de communiquer ce que les chercheurs trouvent. « Le journaliste scientifique est là pour regarder les productions. Avec l’aide des experts il essaie de voir ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas ».
Elle a fait savoir que les journalistes scientifiques doivent obligatoirement avoir recours à la méthode scientifique, trouver les sources exactes, vérifier les informations pour ne pas faire le jeu des partisans de complot ou donner une information erronée.