Les pièges à éviter lors d’une conférence de presse sur le COVID-19

La crise sanitaire a permis de révéler que le public a soif d’une actualité scientifique, que le travail des journalistes est essentiel et qu’une information fiable, rigoureuse et non manipulée peut sauver des vies. 


La pandémie a montré que les lecteurs, face aux incertitudes, aux polémiques et aux théories du complot qui circulent sur la maladie à coronavirus, veulent trouver dans les médias, des réponses aux questions et aux doutes qui les envahissent. 

C’est là qu’intervient le rôle crucial du journaliste qui doit chercher et recueillir l’information auprès des acteurs concernés, auprès des experts du monde scientifique, universitaire, étatique ou privé. Des experts qualifiés, dont les compétences sont avérées. Pas des gens douteux.

Mais, il arrive qu’ils obtiennent certaines informations, comme c’est le cas en Afrique de l’Ouest et ailleurs, lors des conférences de presse organisées par des autorités sanitaires pour faire le point sur l’évolution de la pandémie.

Comment bien couvrir ces conférences ? Comment être préparé pour éviter de poser les mauvaises questions au cours de ces conférences?  Comment éviter de tomber dans le piège des organisateurs ? 

Quelles astuces peuvent-ils mettre en place pour éviter d’être un vecteur d’une fausse information? Comment doit-il traiter les communiqués du gouvernement sur la maladie ? Quelles sont les bonnes attitudes à adopter ?

Avoir une bonne connaissance de la situation sanitaire

Lors des conférences sur le covid-19, « on a l’impression que les journalistes ont peur de poser des questions », constate Noël Kokou Tadegnon, journaliste chez Deutsche Welle et Reuters Tv, cofondateur de Togo Check, une plate-forme togolaise de lutte contre les fausses informations.

« Cette peur peut avoir plusieurs raisons », explique Milo Milfort, fondateur du journal d’investigation Enquet’Action. Il cite le manque de préparation avant la conférence de presse et la non maîtrise du sujet. Mais il y a autre chose, clarifie-t-il, « la santé fait partie des thématiques peu traitées par les journalistes ». 

Au Sénégal, Ndiol Maka Seck, chef de bureau du quotidien national Le Soleil, qui a couvert plusieurs conférences sur le covid-19, a constaté que les journalistes « sont plus dans une posture d’écoute que de poser des questions ». 

Lors de ces conférences, dit-il, les médecins et autres spécialistes en épidémiologie monopolisent souvent la parole parce qu’ils ignorent beaucoup sur cette maladie. « Les journalistes, eux, se contentent souvent de faire le compte rendu fidèle de ces séances. »

Les journalistes doivent-ils se réduire au silence ou être spectateurs au cours de ces conférences ? La réponse de la journaliste scientifique Lise Barnéoud, auteure du livre “Immunisés ? – Un nouveau regard sur les vaccins” est très simple.

Elle estime qu’il est important que les journalistes puissent poser les questions nécessaires à leur bonne compréhension des enjeux, les questions dont ils ont besoin en fonction de leur propre connaissance, leur angle et leur support d’information.

Ils doivent aussi tenir compte de la réalité de leurs pays, précise Adrienne Engono Moussang, journaliste camerounaise, coordinatrice du magazine Sciences Watch Infos. « Quand un journaliste décide d’écrire sur le covid-19, il faut déjà qu’il connaisse la situation de la maladie dans son pays, les chiffres et les mesures qui ont été prises à tous les niveaux ».

Tadegnon insiste sur un autre aspect, la nécessité pour les journalistes de se documenter. « Ils doivent interroger différentes sources et maîtriser le sujet avant d’aller à une conférence de presse. Ils doivent beaucoup lire les écrits d’autres confrères, lire tout document autour de la pandémie et surtout se mettre à la pointe de l’actualité liée à la crise. »

Les trois approches innovantes

Bien sûr, dans un monde idéal, les journalistes qui couvrent ces sujets possèdent déjà une connaissance solide sur les informations de base: l’immunologie, la vaccinologie, les différents types de vaccins, etc. Mais nous savons que ce n’est malheureusement pas le cas, rappelle Barnéoud.

Elle dresse plusieurs façons de couvrir une conférence de presse sur le Covid. Primo, le journaliste peut choisir d’écrire un papier de news, d’information, où l’on retranscrit les informations nouvelles. Secundo, il peut écrire un papier de vulgarisation, de science literacy, où l’on donne des informations de base sur le sujet. 

Cette approche est toujours précieuse, car elle permet, dit-elle, de comprendre comment par exemple le virus se transmet, comment les gestes barrières et les vaccins s’ajoutent les uns aux autres pour diminuer le risque de contamination, etc. 

On peut aussi choisir d’écrire un papier d’enquête, sur un angle bien précis. Généralement, la seule conférence de presse est insuffisante. Elle conseille de compléter l’enquête avec d’autres éléments et rappelle que les trois approches sont nécessaires et légitimes. Sauf qu’elles n’impliquent pas les mêmes genres de questions.

Fact-checking de l’information

En Guinée, certains journalistes font un excellent travail mais d’autres « se limitent pratiquement aux informations fournies par les autorités. Si vous écoutez les rendus de certains à l’antenne, vous avez l’impression que c’est de la communication. Il y a pourtant une différence entre informer et communiquer », nuance Facely Konaté, directeur de la Radio Espace Forêt.

Le travail d’un journaliste n’est pas de recopier les communiqués de presse. Il ne consiste pas non plus à se limiter aux déclarations faites par les autorités sanitaires sans les vérifier, les recouper et les analyser. Il doit connaître les bons outils pour démystifier le vrai du faux.

Lorsqu’un journaliste émet des doutes lors d’une conférence au sujet des propos tenus par l’un des organisateurs, il lui revient de vérifier ces propos. Cela peut se faire de plusieurs manières, indique Sylvio Combey, journaliste, consultant et formateur.

Il conseille de « consulter et de comparer les données disponibles ». Souvent, il y a plein de ces données en open source mais dont on ignore. Il recommande, en outre, de consulter les déclarations antérieures et de recourir aux autres personnes ou sources qui peuvent être concernées ».

Cet article de Kossi Balao a été initialement publié par le Knight Center for Journalism in the Americas de l’Université de Texas à Austin. Lire l’intégralité ici !